Prise en charge des violences conjugales
Après évaluation globale des conséquences :
- Personnelles : physiques et psychologiques
- Sociales et familiales
- Professionnelles
- Judiciaires
Une prise en charge en Réseau
Après la révélation des violences : conduite de la consultation
- la description du retentissement physique et des lésions éventuelles
- les soins
- la prescription des examens complémentaires
- la rédaction d’un certificat médical initial de constatation ou d’une attestation (pour les professions paramédicales)
Tous les éléments recueillis lors de l’entretien et de l’examen doivent être consignés dans un dossier afin d’assurer au mieux le suivi de la patiente.
Il est recommandé que le dossier médical documente :
- les coordonnés de la patiente en s’assurant qu’elle est joignable sans la mettre en danger
- l’information transmise par la patiente, de façon la plus factuelle et la plus précise possible
- la réalité des blessures physiques par la prise de photos datées : il peut être utile de prendre des photographies (avec l’accord de la patiente) avec un repère métrique et de renseigner des schémas corporels
- les observations factuelles du praticien concernant les blessures physiques, le retentissement psychologique, le comportement de la victime, et toute information qui pourrait être utile.
Ces informations doivent être détaillées, les propos de la patiente peuvent être rapportés mais dans ce cas notés entre guillemets, ainsi que l’attitude de la patiente au cours de l’entretien (« X dit avoir été victime de… », « la victime déclare… », « Selon les dires de la victime… ».) Ces éléments pourront être utilisés pour la rédaction d’un certificat médical initial (pour les professions médicales) ou d’une attestation (pour les professions paramédicales). Ces détails sont essentiels pour une prise en charge adaptée et pourront être utiles à une éventuelle procédure judiciaire secondaire. Il est essentiel de s’assurer de la complète confidentialité du dossier médical de la patiente.
Levée du secret professionnel médical – loi du 30 juillet 2020
Seulement 5 % des alertes de mise en danger d’une personne pour violences conjugales sont données par des professionnels de santé.
Loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 : article 226-14 du Code pénal : visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Lever le secret médical en cas de danger immédiat pour la victime majeure, que le professionnel de santé ait obtenu l’accord de la victime, ou non.
Lorsque la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire.
Le professionnel de santé peut porter à la connaissance du Parquet ou de la CRIP (cellule de recueil de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes) des faits de violences lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences.
La loi nouvelle ne crée donc pas une obligation de signalement pour le soignant.
La stratégie de l’agresseur vs. la stratégie du professionnel
Isoler la victime
la priver de ses ressources
la priver de ses proches
La dévaloriser, la déstabiliser
Inverser la culpabilité
Instaurer un climat de peur, terroriser
Se présenter comme tout-puissant
Assurer son impunité en recrutant des alliés
lui donner notre soutien, notre aide
La valoriser
Reconnaître son courage
Reconnaître ses capacités, sa résistance
S’appuyer sur la loi et le droit
Attribuer à l’agresseur la seule responsabilité
La mettre en sécurité : mettre fin aux violences
Résister, dénoncer, accompagner
Explications de la stratégie de l’agresseur :
- Choisir la victime : l’agresseur est souvent à l’initiative de la relation. Il est particulièrement entreprenant dans le démarrage de la vie conjugale.
- Isoler la victime de son entourage amical, professionnel et familial : permet à l’agresseur de progressivement construire les conditions pour porter sans risque une attaque. Cet isolement touche également les enfants.
- Dévaloriser la victime : l’agresseur par des attitudes et des propos humiliants, insultants, moqueurs conduit la victime à la perte de l’estime d’elle-même, c’est la mise en place du processus d’emprise.
- Culpabiliser la victime : l’agresseur reporte systématiquement la responsabilité de ses actes sur la victime en trouvant toujours d’excellentes justifications. Il se présente comme la victime de sa victime unanimement considérée comme responsable de la situation qu’elle endure.
- Instaurer un climat de terreur, de peur et d’insécurité : l’agresseur se présente comme tout puissant. Il maitrise la manipulation, les menaces et les violences. Ses attitudes contrastent avec les périodes d’accalmie selon le cycle de la violence. Il peut être imprévisible.
- Assurer son impunité : L’agresseur met le plus de personnes possible de son côté. L’agresseur assure son impunité en recrutant des alliés. Il se présentera comme charmant, bienveillant, souriant, y compris auprès des professionnels. Il dévalorisera subtilement la victime pour qu’elle ne soit pas crue si elle parle des violences. Il n’hésitera pas à instiguer les enfants contre leur mère.
- Ne donner aucune explication : ce refus de communiquer de la part de l'agresseur crée un sentiment d’incompréhension de la victime, qui ne peut donner de sens à ce qu’elle vit.
- Verrouiller le secret : l’agresseur impose le secret sur ce qui est vécu dans l’intimité du couple et de la famille et s’en sert pour menacer la victime si la loi du silence est rompue.
Les impacts sur la victime :
Les impacts sur la victime vont s’installer progressivement et construisent la situation d’emprise. La victime est dans l’impossibilité d’identifier cette stratégie. D’autant que sa position d’emprise peut être renforcée par ses valeurs personnelles, religieuses et culturelles. Elle aura de ce fait des difficultés majeures à se séparer de l’auteur.
Le comportement de la victime : va s’en trouver affecté et peut être identifié sous la forme suivante :
- perte de l’estime de soi
- peur des représailles
- perte de confiance
- peur de ne pas être crue
- sentiment de honte et de culpabilité
- déni ou minimisation des violences
- angoisses face aux obstacles qu’engendrerait la séparation
- isolement et méconnaissance de ses droits
- confusion et ambivalence (présence simultanée dans la relation de sentiments et de comportements opposés, entre amour et haine)
Le certificat médical initial
Le certificat médical initial ou l’attestation professionnelle pour la sage- femme peut être utilisé pour faire valoir les droits de la victime et obtenir une mesure de protection.
Cela pourra lui être utile des années plus tard quand elle sera prête à agir.
Permet aussi à la victime d’avoir un écrit pour se souvenir des événements, il ne faut pas oublier que toute victime de violences conjugales a tendance à minimiser ce qu’elle subit.
- se prononcer sur la réalité ou non des faits
- affirmer des faits de violences
- qualifier l’infraction
- nommer l’agresseur présumé
- reformuler ou interpréter les allégations
- parler de « violences » au lieu de « lésions »
IL DOIT : rapporter ce qu’on lui déclare et rester descriptif de son examen clinique
Source : Conseil de l’ordre des médecins : En l’état des textes en vigueur, les internes peuvent signer tous les certificats dans le cadre d’une délégation de responsabilité et dans les limites de leurs compétences, sauf les certificats de décès, les certificats d'hospitalisation sous contrainte et les certificats d'expertise.
- Écrit avec termes simples, précis, intelligibles pour les personnes extérieures au corps médical, en évitant le jargon technique et les abréviations
- Identification du professionnel :
-
-
- Nom et prénom
- Spécialité
- Adresse professionnelle
- Éventuellement le numéro d’inscription au conseil de l’ordre pour les médecins et les sages-femmes.
-
- Identification de la victime
-
-
- Nom et prénom
- Date de naissance, vérifier la pièce d’identité ou écrire :
- «certifie avoir examiné la qui déclare être nommée ……»
- Préciser si état de la victime définie une vulnérabilité :
- handicap physique ou psychique, syndrome dépressif, grossesse
-
- Date de l’examen initial et l’heure
- Doléances de la victime = les dires de la victime
-
-
- En reprenant les termes exacts de la victime entre guillemets :
- Madame X déclare :
- « le tel jour, à telle heure….,
- avoir été victime de coups de poing, de chute, de plaies par arme…
- se sentir angoissée
- avoir eu des saignements, des douleurs, …
- souffrir de cauchemars, d’insomnie….Ecrire les dires de la victime sans porter de jugement de valeur, ni d’interprétation, sans périphrase ni reformulation
- Ne pas désigner nommément le tiers responsable sauf si ce sont les dires de la victime : madame dit : « c’est mon conjoint qui m’a …… »
-
- L’examen médical détaillé :
-
-
- Il s’agit de décrire avec précision et sans ambiguïté les faits médicalement constatés
- signes cliniques des lésions
- constatation de signes positifs (lésions visibles) et/ou de signes négatifs (pas de lésions visibles)
- signes neurologiques, sensoriels : « Exemples : une hypersensibilité au bruit, à la lumière, agitation…)
- signes psycho-comportementaux: en quoi les violences altèrent les conditions et la qualité de vie de la personne = retentissement psychologique (état de stress aigu, troubles de l’humeur ou du sommeil, nécessité d’une prise en charge spécialisée…)
- Préciser si un état antérieur est susceptible d’interférer avec les violences subies : cicatrices, fractures, déformations ou amputations antérieures aux violences actuelles
- Les termes de « vierge » ou de « virginité » n’ont aucune place dans un certificat médical d’intérêt judiciaire
- Le médecin doit se limiter à mentionner l’existence ou l’absence de lésions hyménales traumatiques, récentes ou anciennes
- Mentionner la prise de photos ou la réalisation de schémas anatomiques datées et identifiées, avec l’accord de la victime et en conservant un double des photographies
- le visage de la victime doit apparaître sur toutes les photos = identité de la victime non contestable
-
- Les examens complémentaires réalisés et dans quel but
-
-
- En attente des résultats on doit mentionner qu’un certificat médical complémentaire sera établi ultérieurement.
-
- Les traitements préventifs prescrits et/ou administrés, les soins réalisés (suture, attelle, hospitalisation…)
-
-
- Cette évaluation est du ressort d’un médecin légiste.
-
- Conclusion: avec possibilité d’exprimer son ressenti subjectif = dire si les lésions constatées sont « compatibles ou non avec les allégations »
Terminez par
- «Certificat délivré à l’intéressée en mains propres»
- ou références de la réquisition s’il y a lieu
- ou nom du représentant légal si le patient est mineur
La date de rédaction du certificat.
La signature manuscrite du professionnel et le cachet (s’il y a)
Le certificat médical sera remis :
- En cas de réquisition, à l’autorité requérante
- Un exemplaire à la victime
Un exemplaire à conserver dans son dossier médical
Notices explicatives
Notices explicatives
Schémas anatomiques [Format Modifiable]
Information Préoccupante
Une information préoccupante est un courrier envoyé à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) du département de résidence de Il s’agit du service chargé de la protection de l’enfance au niveau local. Une Information Préoccupante peut être rédigée dès qu’un enfant (ou un adulte en situation de vulnérabilité) est susceptible d’être en danger.
Cet écrit doit contenir toutes les informations permettant d’identifier l’enfant :
- son nom et son prénom
- son adresse
- le nom de ses parents
- son âge
- son établissement scolaire
Si vous n’avez pas toutes ces informations, le nom des parents et l’adresse peuvent suffire.
Dans ce courrier, il faut relater tous les éléments qui permettent de penser que l’enfant ou l’adulte est maltraité ou en danger :
- Les propos de l’enfant ou de l’adulte s’il s’est confié à vous
- Les actes dont vous avez été témoin
- Le comportement de l’enfant ou de l’adulte
- Le comportement des adultes vis-à-vis de l’enfant
Vous devez évidemment vous limiter aux faits et ne porter aucun jugement.
Que se passe-t-il après ?
Une fois que la CRIP a reçu l’Information Préoccupante, elle recherche dans un premier temps si la victime est connue des services sociaux ou de la justice. Si tel est le cas, l’Information Préoccupante est transmise au service qui suit déjà l’enfant et la famille. Dans le cas contraire, les services de la CRIP procèdent à une évaluation de la situation de l’enfant ou de l’adulte. Cette évaluation sera réalisée par des travailleurs sociaux et permettra d’apprécier le danger ou le risque auquel est exposé la victime.
Plusieurs décisions peuvent être prises suite à l’évaluation :
- Le classement s’il s’avère que l’enfant ou l’adulte n’est pas en danger ;
- L’accompagnement et le soutien par les services départementaux de la famille ;
- Le signalement au Procureur de la République en cas de danger et d’urgence pour l’enfant ou l’adulte
Orientation juridique - sociale - psychologique
Informer la patiente qu’elle peut dans un premier temps :
- se présenter aux urgences 24h/24, 7j/7
- appeler le 3919 (Violences femmes info), numéro national d’aide aux femmes victimes de violence ( appel gratuit, intraçable) Ouvert du lundi au samedi de 9h à 19h. Appel anonyme. Appel ne figurant pas sur les factures de téléphone.
- appeler le 116 006, Association du réseau France Victime : numéro européen dédié aux victimes d’infractions pénales (appel gratuit) Ouvert 7 jours sur 7 de 9h à 19h
- contacter le Centre d'Information des Droits des Femmes et des Familles CIDFF
- solliciter l’aide des services du Conseil départemental
- être assisté par un avocat est indispensable, dont les frais peuvent être pris en charge à certaines conditions dans le cadre de l'aide juridictionnelle
- contacter le Bureau d'Aide Aux Victimes pour obtenir de l'aide dans l'accomplissement des démarches judiciaires
Lui remettre les coordonnées de professionnels = réseau de proximité : assistante sociale, travailleurs sociaux, psychologue, psychologue spécialisé dans le prise en charge du psycho traumatisme, pédiatre, PMI, associations spécialisées dans les violences au sein du couple
- Aux victimes majeures
- A toutes formes de violences, psychologiques et/ou physiques, commises dans un cadre conjugal/intrafamilial,
- Et/ou à toute infraction de nature sexuelle.
- Accueil et accompagnement des victimes au sein des établissements de santé
En privilégiant un accueil psycho-médico-social
En préparant la victime à l’examen médical général ou spécialisé
En proposant à la victime un accompagnement psychologique
En informant les victimes de leurs droits : à chaque étape de son parcours hospitalier
- et en les accompagnant vers la révélation des faits à destination de l’autorité judiciaire et en facilitant leurs démarches,
- et en adaptant les modalités de dépôt de plainte à la situation de chaque victime,
- et en permettant, pour les personnes victimes qui ne souhaitent pas immédiatement déposer plainte, la réalisation de constats et de prélèvements conservatoires dans la perspective d’une éventuelle procédure judiciaire
- Selon l’expression de sa volonté et de ses besoins, la victime peut :
Déposer plainte : trois possibilités de prise en charge :
- Le dépôt de plainte simplifié (DPS) afin de permettre à la victime de remplir un formulaire de dépôt de plainte au sein de l’établissement de santé, lequel est transmis aux services d’enquête (le jour même ou dans les 48h) aux fins d’audition ultérieure.
- La prise de rendez-vous par l’établissement de santé avec les services enquêteurs afin de procéder à l’audition dans les meilleurs délais de la victime (le jour même ou dans les 48h), et d’éviter toute rupture dans son accompagnement.
- Le dépôt de plainte in situ, en particulier en cas d’atteinte majeure à l’intégrité physique ou de danger immédiat pour la vie de la victime, dans une salle au sein du centre hospitalier permettant d’assurer la confidentialité de l’audition.
Ne pas déposer plainte :
1- cas et modalités de signalement des faits par le professionnel de santé à l’autorité judiciaire
2- possibilité d’un recueil de preuves sans plainte afin de préserver ses droits en vue d’une éventuelle exploitation judiciaire ultérieure.
Le recueil de preuves sans plainte constitue une réponse aux besoins des victimes qui peuvent appréhender la révélation immédiate des faits et doivent ainsi pouvoir bénéficier d’un temps de réflexion dans le cadre d’un accompagnement.
ÉTAPE 1 : INFORMATION ET CONSENTEMENT
Le médecin devra préalablement recueillir le consentement écrit de la victime après lui avoir délivré une information claire, loyale et adaptée :
- sur les modalités pratiques (examen, éventuellement clichés photographiques et réalisation de prélèvements…)
- et les finalités de ce dossier (conservation sécurisée durant trois ans, transmission sur réquisitions dans le cadre d’une procédure judiciaire ou destruction au-delà de trois ans en l’absence de procédure).
Le consentement écrit est conservé dans le dossier et une copie remise à la victime si elle le souhaite.
ÉTAPE 2 : EXAMEN, PRÉLÈVEMENTS ET ÉTABLISSEMENT D’UN CERTIFICAT MÉDICAL INITIAL
- actes ne supposant pas, a priori, de qualification en médecine légale
- actes supposant, a priori, une qualification en médecine légale : dont les violences sexuelles
ÉTAPE 3 : CONSERVATION DES PRÉLÈVEMENTS
ÉTAPE 4 : DEVENIR DES ÉLÉMENTS CONSERVATOIRES RECUEILLIS
- remise des éléments sur réquisition dans le cadre d’une procédure judiciaire
- si expiration du délai de 3 ans, en l’absence de réquisition, l’ensemble des prélèvements est détruit.